La culture d’entreprise n’a jamais été autant au cœur des sujets d’actualité depuis cette crise sanitaire. Le nouveau « Graal » des cabinets de conseils en temps de crise s’expose partout et à 360 degrés pour donner du sens aux stratégies qu’ils proposent. Cette renaissance provient de l’instabilité du marché et des crises à répétition que nous sommes dans l’obligation d’anticiper. 

Plus la culture d’une entreprise partage des valeurs fortes avec ses salariés, au mieux l’entreprise résiste aux turbulences économiques et propose de la valeur ajoutée. Mais comment créez ou entretenir une culture d’entreprise ?

 

Le Mythe comme système de communication !

Qui ne se souvient pas de la DS de Roland Barthes ou de son « ni, ni »… (« La nouvelles Citroen » / « La critique du ni-ni » : Mythologies, R. Barthes ed. points-essaie). Comme dans la société pour qu’il y ait culture, il préférable de trouver des mythes ! « Chaque objet du monde peut passer d’une existence fermée, muette, à un état oral, ouvert à l’appropriation de la société » (R. Barthes « Mythologies » 1957, p. 216). Mais tout dépend du contexte de l’objet, de sa forme.

Aussi, très souvent la culture est incarnée par de fortes personnalités comme : E. MUSK, S. JOBS, E. LECLERC, X. NIEL… 
Le chef d’entreprise mythique (la simple évocation des noms ci-dessus nous invite à l’assimilation d’un mot) porte les valeurs et alimente le mythe de cette culture d’entreprise. Mais avoir une culture d’entreprise sur les épaules d’un seul homme n’est pas sans risque. Car, si ce dernier est jugé dans le cadre d’une affaire judiciaire ou lorsque son entreprise est rachetée par un autre groupe avec une autre culture d’entreprise, les difficultés peuvent intervenir dans la suite du projet.   
Parfois il est bon que la culture soit incarnée par quelque chose de plus fort que la personnalité du dirigeant. Cela a été le cas de Renault-Mitsubishi qui, fort heureusement n’a pas vu sa culture d’entreprise dégradée par le magicien franco-libanais Carlos GHOSN, le Japon regrettant encore les années COPPERFIELD.

Cependant, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise culture d’entreprise.
Les boulangeries Paul travaillent quant à elle autour du mythe du boulanger d’autrefois et ils alimentent le mythe au fil de l’eau. quitte à ce que la véritable histoire soit romancée et devienne une fiction à part entière. L’important c’est d’y croire, d’y adhérer et qu’elle soit en cohérence avec les boulangeries d’antan de la gare du Nord.  
Le mythe du héros, d’un événement phare ou même d’un mystère… peut être un excellent levier de communication pour promouvoir ou entretenir la culture.

Le rite de communication est la condition culturelle

Comment créer les conditions du changement, de la transition et influencer les comportements sociaux en entreprise. Mettre en place des rites et des rituels permet d’alimenter et de la faire évoluer. Chaque société doit prendre en compte son contexte social et économique et devra composer avec cela pour construire ou l’animer. 
Elle permettra pour le manager d’affirmer les valeurs, mais aussi de faire du feedback et si possible de prendre en exemple les salariés qui pourront dire aux autres qu’il n’y a pas de meilleure entreprise. 

Quelques exemples

Les entreprises publiques

Nos services publics français mènent une grande expérience pour transformer l’action publique. Lancé en octobre 2017 par le Gouvernement, le programme poursuit trois objectifs concrets : assurer un meilleur service public pour les usagers, améliorer les conditions d’exercice du métier des agents publics et baisser la dépense publique pour les contribuables. Imaginons l’État comme une grande entreprise (oh ! Sacrilège) avec toutes ses filiales et donc ses cultures d’entreprises différentes. Vaste chantier ! 
Pour les aider à consolider ces actions et leurs mutations comportementales, des expérimentations sont lancées aux quatre coins de la France avec un seul mot en bouche : la confiance ! 
Cette confiance se traduit par la mise en place régulière de débriefing virtuels inter-institutions (cf. le site internet et la promotion du partage des actions) ou intra-institutions.
Ainsi, nous voyons apparaître chez Pôle emploi, par exemple, des postes de directeur de la performance par la confiance, où l’entreprise libère et stimule la créativité des salariés volontaires le temps de l’expérimentation. Des rituels de communication innovants sont mis en place à l’instar d’émission podcast durant la crise sanitaire où la parole des salariés est libre pour témoigner de cette expérience durant le Covid. Les résultats semblent être probants et se vérifient avec le baromètre social. 
Un campus de la transformation publique a été créé pour mettre en mouvement managers et DRH de nos institutions, et ainsi anticiper, partager, et accompagner l’évolution métier. À ce titre, l’administration utilise la démarche IAAM (Initiatives d’Anticipatiion et d’Adaptation Métier) inspirée de différentes expériences privées. 

MANUTAN 
Dans un autre registre, plus classique, mais non moins ambitieux, Pierre-Olivier BRIAL, Directeur général délégué de Manutan expliquait lors d’une interview à B Smart (févr. 2021) l’importance de la mise en place de rituel : « pour implémenter la culture dans toutes les filiales de l’entreprise, tous les mois, nos collaborateurs sont réunis. Nous réunissons les 650 collaborateurs du siège (…) pour revoir nos indicateurs et aborder des sujets en fonction du contexte. (…) Cette communication nous a permis de mettre en musique de manière régulière à l’instar d’un métronome, la culture de notre entreprise ». 
Cette régularité et cette volonté que la direction a de maintenir le rendez-vous prouvent aux salariés de Manutan que la culture d’entreprise n’est pas un vain mot. Et même durant la crise sanitaire, l’entreprise continue de réunir son personnel sous forme de visioconférence : rien ne change. 
Dans le même temps, j’admire la résilience du service communication pour l’organisation de ces rendez-vous. 
À noter que les rituels peuvent être inconscients et forger également une culture d’entreprise. Lors de la crise sanitaire, le concept de désobéissance organisationnelle a fait prendre conscience de l’importance des métiers de managers de proximité. Cet apprentissage expérientiel et ces témoignages ont permis de soulever de nouvelles valeurs au sein des effectifs. Ces salariés ont pris le risque de sortir du cadre de la culture de leur entreprise pour continuer à assurer le service auprès de leurs clients. Et nous voici en présence d’un nouveau mythe : « Le héros covid ». 

La culture passe également par l’objet 

Après Roland Barthes, nous ne pouvions pas passer à côté de Jean BAUDRILLARD, auteur du « Système des objets » où il analyse que l’inessentiel de l’objet (sa forme, sa couleur) prime sur l’essentiel, sa fonction. Les symboles sont des outils de promotions importants pour installer une culture d’entreprise.  « La séduction représente la maîtrise de l’univers symbolique, alors que le pouvoir ne représente que la maîtrise de l’univers réel », nous explique Jean Baudrillard. Et comme chacun sait, le réel est moins attractif que le désir. 
Les symboles doivent être en cohérence avec les valeurs de l’organisation. Par exemple, les logos, les slogans ou les objets de communication permettent de créer un référentiel commun pour le collectif. On les affiche, on les partage, on les détourne, on les cultive !
Cette formalisation permet de faire grandir l’entreprise dans une cohérence psychosociologique saine. On s’identifie à l’entreprise, on véhicule une image en adéquation avec les valeurs humaines. 

Une culture solide passe  par un système de communication durable

La culture d’entreprise doit être écrite et inscrite dans les process de l’entreprise. Elle doit se partager à 360 degrés avec tous les services et le corps social. Elle doit évoluer et se manager dans le temps. 
Elle ne s’impose pas, elle doit se former au grès des rites et des personnes qui la composent. Elle n’appartient à aucun service, à personne. Elle fonctionne à l’instar d’une tribu, d’une communauté à partir de modèles incarnés ou de valeurs partagées et en fonction de l’environnement (interne/externe). Et elle est fragile.
Il est donc indispensable de s’assurer que la réceptivité et la confiance du collectif soient au rendez-vous, au risque d’engendrer une rupture pouvant anéantir les efforts préalablement consentis par le corps social.
Pour éviter ce point de non-retour, il est important de se poser les bonnes questions, d’afficher les bonnes valeurs et de vérifier que celles-ci soient véritablement inscrites dans le comportement de chacun et dans les process de l’organisation. 
L’exemplarité des managers conditionne la qualité et la réceptivité d’une culture en entreprise. Et généralement, plus la culture d’entreprise est forte et mieux l’entreprise anticipe et gère les crises à venir. C’est en cela que la culture d’entreprise peut être comparée à un système immunitaire. Elle vit au rythme de la société et renforce la cohésion quand celle-ci est malmenée. 
Mais attention, si celle-ci n’est pas évaluée correctement, gare au décalage ! 

Le respect de sa culture passe par la sincérité affichée des dirigeants. « Je m’engage dans une entreprise engagée », voici le nouvel adage win-win d’une culture ouverte et partagée.